vendredi 18 mars 2011

Le "Musée de Luigi Buffo"

   C'est bien ce qu'on pouvait lire en grosses lettres à l'extérieur du mur d'enceinte d'un jardin de Lagardelle-sur-Lèze (Haute-Garonne). En attendant le prochain numéro de Gazogène prévu pour le mois de juin prochain et entièrement consacré à Marie Espalieu (une agricultrice du Lot qui produisit un étonnant ensemble de personnages et d’animaux en bois), Jean-François Maurice me confie quelques clichés, pour la plupart  inédits, du jardin de sculptures du maçon-sculpteur Luigi Buffo. Les couleurs sont passées mais le témoignage est intact. Cet environnement était situé en périphérie de cette commune devenue depuis, la grande banlieue de Toulouse. Il fut détruit en 2005.
 
Luigi Buffo à l'ouvrage - Photo JFM - D.R.
 Photo JFM - D.R.
Luigi Buffo également à l'ouvrage au fond à gauche - Photo JFM - D.R.
    On le sait, les murs cernant sa propriété étaient surmontés d'une foule de sculptures en ciment (certaines étaient peintes ou incrustées de galets) évoquant le souvenir du monde rural d'autrefois mais aussi comme souvent, des animaux exotiques ainsi que de nombreuses références à la religion catholique.
  
Photo JFM - D.R.
A l'un des angles de la propriété, L. Buffo avait installé un vaste ensemble comportant des calvaires avec Christ en croix, pietà, angelots etc. 
Photo JFM - D.R.
 
Photo JFM - D.R.

 Photo JFM - D.R.
   A l’intérieur du jardin d’autres personnages et animaux ainsi qu’un abri précaire rassemblant des œuvres en bois de tous formats. Les murs du garage étaient également tapissés de manière très rapprochée, de pièces en bois sculpté : figures, animaux, etc. Les visages étaient stéréotypés mais leur accumulation sous cette forme quasi obsessionnelle, donnait une impression très étrange. On estimait à l’époque à 400 pièces environ, l’œuvre bois de Buffo. Ce merveilleux ensemble est dorénavant visible à Carla-Bayle (Ariège) grâce à l’association Geppetto qui gère le musée des Amoureux d’Angélique. La présentation est volontairement dense pour rappeler quelque peu l’installation originelle.

Les chèvres, le laboureur et ses bœufs, la course de trotteurs.  Photo JFM - D.R.
L'un des murs du garage "tapissé" de pièces en bois.  Photo JFM - D.R.
L'abri précaire à gauche de la maison.  Photo JFM - D.R.

mercredi 16 mars 2011

La seconde mort de Louisiane Saint-Fleurant

   Je ne sais pas vous, mais moi j’aime l’œuvre de Louisiane Saint Fleurant. Ses tableaux sont copieux en personnages. Ils sont généreux en couleurs. Lors d’une interview (1), elle nous confiait : « Je peins toujours des gens parce que j’aime les gens … et puis les animaux aussi, quand ils sont petits…. Quand je peins, j’ai plus de lumière..., plus de force aussi ».

Louisiane Saint-Fleurant - Photo extraite
du catalogue "Haïti, anges et démons" - Halle Saint Pierre, Paris
"Au jardin avec félix le chat"  - Collection Art Obscur

   Louisiane Saint Fleurant est né en 1924, dans la région au joli nom de « Petit Trou de Nippes » (Haïti). Elle donne naissance à cinq enfants qu’elle élèvera seule, suite à la mort de son mari. Excellente cuisinière, elle vend ses services auprès des familles aisées d’Haïti. C’est à l’approche de la cinquantaine, alors qu’elle est embauchée par le célèbre groupe de peintres naïfs haïtiens «Saint Soleil», qu’elle se met à peindre. « Jusqu’à l’âge de cinquante an, il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’un jour je serai devenue artiste ». A partir de 1977, Louisiane Saint Fleurant va abandonner ses fourneaux et ses casseroles pour se consacrer exclusivement à sa peinture : « Je ne sais jamais ce que je vais peindre. Je prends le pinceau et c’est seulement après que je vois ce qui sort…».
 
Femme 1991- Collection Art Obscur
Fillette - Collection Art Obscur
  Il en sort un monde de femmes et d’enfants, principalement des fillettes endimanchées de robes aux couleurs éclatantes. Il en sort de magnifiques ‘maternités’ où l’homme est absent … (à cause de la mort de son mari ?). Tout ces « gens » sont représentés au milieu d’une végétation luxuriante. Le travail de Louisiane Saint-Fleurant est également très influencé par le vaudou. Dans ses peintures et ses sculptures (argile) apparaissent souvent des «Loas» (esprits surnaturels ancestraux) représentés sous forme de ‘corps’ emmaillotés … (ses trois enfants qu’elle vit mourir ?). « La peinture a fait quelque chose pour moi. Je me suis rendu compte que quand j’ai envie de parler, de dire plein de choses ; je peins et je deviens plus calme. Alors je me dis que tout ça est dans ma peinture, que la peinture parle ». Y-a-t-il plus belle harmonie entre l’artiste et son œuvre ?

Loa 1989 - Collection Art Obscur
   Louisiane Saint Fleurant meurt le 1er juin 2005, à l’âge de 81 ans. Elle reposait en paix, dans le cimetière de Pétion-ville, jusqu’à ce jour de printemps 2010 où des bulldozers sont venu faire place nette… pour y emménager une station de bus ! Alertée, la fille de Louisiane Saint Fleurant eut le temps de sauver des décombres le crâne de sa mère et celui de son frère!... (Le peintre reconnu Stivenson Magloire, lapidé en octobre 1994 lors du retour de Jean-Bertrand Aristide au pouvoir en Haïti).
 
La fille de Louisiane St. Fleurant.
Photo The New-York Times 18 mai 2010 - D.R.
    On peut voir actuellement quelques œuvres de Louisiane Saint Fleurant dans la très belle l’exposition «Sous le vent de l’Art Brut », à la Halle Saint Pierre (Paris).                 
 Michel Leroux (mars 2011)

(1) Interview de Louisiane Saint Fleurant réalisée par D. Batraville et J.C. Narcisse en septembre 1995.